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LE PHARMACIEN MAROCAIN ET LA POLITIQUE( par zniber jamal)

par Zniber mohamed jamal

Zniber mohamed jamal

Au crépuscule de ma longue carrière officinale, le mal qui frappe ma profession m’est devenu insupportable. Il ne peut être réduit à sa seule crise économique qui n’est qu’un symptôme de déséquilibres beaucoup plus profonds. L’origine de ce mal a des racines lointaines et ses ramifications sont multiples. Car aucune communauté humaine n’est viable sans un solide consensus sur un certain nombre de valeurs partagées. Ceci est aussi vrai pour un couple et pour une nation, que pour une profession telle que la notre. En effet, si mes valeurs fondamentales divergent totalement de celle de mon conjoint, ou celles de mon confrère, la vie commune et le dialogue entre nous deviennent vite difficiles, voire intenables. C’est ce triste constat que nous faisons tous aujourd’hui et c’est cette situation déplorable que nous devons tenter de corriger si nous voulons vraiment reconstruire notre profession.
Dois-je rappeler que la seule possibilité que nous ayons pour « bien vivre ensemble » repose sur des fondements clairs et communs à toutes les sociétés?
L’amour de la vérité, par exemple, est toujours conçu comme quelque chose qui nous aide à vivre. Les morales et les religions s’accordent sur son importance comme valeur éthique et la condamnation avec force du mensonge.
L’amour de la justice est une autre valeur aussi essentielle parce que la cause des nombreuses maladies et des drames dont souffrent les sociétés sont des manifestations de l’injustice. Dans la tradition musulmane, la justice est à la fois une qualité divine et une caractéristique des relations sociales. Le Coran dit « O mes serviteurs ! Je me suis interdit l’injustice à Moi-même, et je vous l’ai également interdite. Ne soyez donc pas injustes les uns envers les autres ».
Le respect de l’autre me semble être une valeur tout aussi incontournable que les deux précédentes. Sans elle, les relations sociales ne sont que des rapports de force et d’intimidation. « Personne d’entre vous n’est un croyant tant qu’il ne souhaite pas pour son frère ce qu’il souhaite à soi-même ». Hadith de Sidna Mohammed (PSL) vers 570-632.
Or, depuis de nombreuses années, les pharmaciens marocains entretiennent une querelle fratricide qui les conduits à leur perte. L’appartenance au parti politique, ou au clan dominant, est devenue le passage obligé pour accéder aux instances professionnelles. En adoptant ce même état d’esprit, certains de nos confrères sont arrivés à constituer des groupes peu recommandables pour servir leurs seuls intérêts et prendre notre profession en otage. Pour éviter de telles dérives et garder à la profession son unité, tout en préservant son avenir, le Dahir du conseil de l’Ordre interdit les débats politiques***, religieux et philosophiques au sein de la profession. En effet, celle-ci a tout à perdre en se présentant sous la bannière des partis politiques car elle sera toujours divisée alors que les valeurs universelles telles que l’amour de la vérité, de la justice, du respect de l’autre, etc…. sont des valeurs qui fédèrent les communautés humaines.
Par calcul ou par ignorance, certains de nos confrères sont convaincus que la considération qui leur est accordée dans leur parti politique sert leur profession alors qu’elle ne flatte que leur ego. En sa qualité de pharmacien, ce professionnel de santé est en contact permanent avec des milliers de personnes qu’il peut influencer et faire adhérer aux idées du parti qu’il défend. L’officinal est une précieuse recrue pour le parti politique alors que l’inverse n’est pas vrai. La preuve ? Tout le monde sait qu’un parti politique est une machine à calculer pour gagner des élections. Dans sa stratégie, il n’hésitera jamais à pencher du coté de la tranche de la population la plus nombreuse à voter pour lui, au risque de sacrifier l’avenir d’une profession telle que la notre.
Compte tenu du fait que:
– Personne n’est capable de défendre notre profession mieux que nous-mêmes.
– Qu’aucun parti politique ne détient la Vérité.
– Que chacun d’entre nous est libre de rejeter ou de s’opposer à son programme après l’avoir jugé démagogique, liberticide, rétrograde, etc… ;
Dois-je rappeler que c’est le respect des valeurs universelles et non la couleur politique qui ont fait, jadis, la noblesse de notre profession et que c’est leur piétinement par des confrères indignes de porter le titre de pharmacien qui nous a menés au naufrage ?

*** Sachant que les débats concernant les problèmes de la pharmacie à travers le monde sont suivis avec beaucoup d’attention par de nombreux confrères marocains, j’aimerais leur poser cette question: Avez-vous jamais vu une manifestation ou un représentant ordinal des pharmaciens de France, par exemple, défendre sa profession sous la bannière des pharmaciens du Parti Socialiste, du Front National, ou de l’UMP?

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